17h30. ca y est j’ai enfin fini ma journée de travail, aujourd’hui je ne peux pas me vanter d’avoir brillé par mon efficacité, je dois même avouer que je n’ai rien foutu. Les enregistrements comptables, les saisies pointages, tout ça pfff que du vent! En même temps j’ai des circonstances atténuantes quand même! Pourquoi ? Mais aujourd’hui nous sommes le 25 juillet et ce soir dans exactement 3h30 débute le concert de Raphael à Juan les Pins. Ca fait des mois que j’attends ce jour, même si j’ai déjà vu 2 fois Raphael en concert et bien je suis aussi excitée que la première fois. Une boule dans le ventre qui sonne les heures qui passent…
Le concert est en plein air ce soir tant mieux. Je sors du bureau je manque l’étouffement, faut croire que le soleil est aussi au rendez-vous pour remercier Raphael de sa visite, car il brûle la peau et nous laisse pas de répit si on squatte sous ses rayons. J’ai encore le temps, ça commence à 21h00. Je récapitule dans ma tête le programme à venir pour la 300ième fois de la journée.
Tout d’abord je file chez moi, je donne à manger au chat, je me douche, m’habille et court chercher Emily puis direction Juan les Pins. On se trouve tant bien que mal une place (ça va être dur !), on va manger un bout et ensuite on va se mettre dans la file d’attente pour entrer et avoir une place correcte.
Du monde sur l’autoroute, je suis dégoutée, un œuf cuirait sans soucis sur ma tête par cette chaleur. Ma petite Twingo n’a pas la clim et dans ces moments là je la déteste ! Mais surtout je ne le lui dit pas, manquerait plus qu’elle se vexe et qu’elle me laisse en rade tout à l’heure.
Une demi-heure de route au lieu du quart d’heure habituel, c’est de la folie. Vite je me gare, je ne prends même pas la peine de fermer la fenêtre et je cours presque jusque devant ma porte. Me voilà enfin chez moi, la chatte miaule à s’en décrocher la mâchoire, c’est vraiment pas le moment, j’ouvre un sachet et hop dans la gamelle, voilà une bonne chose de faite.
Faut que je me calme maintenant, bien sûr que non je ne suis pas en retard. Allez les habits volent dans l’appartement, me voilà nue comme un ver. Je prends ma douche, zut le téléphone sonne…tant pis. Je sors dégoulinante, vais voir le téléphone, juste un appel de ma mère (maman ce n’est vraiment pas le moment !!!), me sèche puis enfile un jean, mes baskets et surtout le fameux T-shirt noir « caravane ». Dire qu’au début je trouvais ça ridicule d’arborer les T-shirts promo lors des concerts…mais j’ai laissé derrière moi tous ces aprioris et je me le suis enfin offert. Le noir sans manche avec écrit « caravane » et « Raphael » en rose.
Je finis mon maquillage, attache mes cheveux par une grande queue de cheval et me voici enfin prête.
Retour vers ma voiture et direction chez Emily qui normalement doit m’attendre devant chez elle. Emily c’est ma copine avec qui je partage tout, tout sauf Raphael car elle n’est pas mais alors pas fan du tout. Et pourtant je l’ai traîné avec moi aux concerts précédents mais sans conviction, pas réussi à l’embrigader malgré ma propagande insistante. Pas grave elle accepte de venir quand même sans soucis.
Grrr elle n’est pas encore là, je vais la tuer ! Je l’appelle et elle me répond par un « j’arrive de suite » avant de raccrocher. Effectivement 2mn plus tard elle me rejoint, saute dans la voiture et nous voilà enfin parties, cette fois pour de bon.
Les Dieux sont avec nous, pas un chat sur la route, et pourtant je redoutais les embouteillages, on ne va pas se plaindre. Bon nous voilà à Juan, mais maintenant il s’agit de trouver une place tranquille et ça c’est loin d’être évident. Je m’engage sur une petite rue que je connais bien pour m’y être souvent garée. Pas de place. Fallait s’en douter. Plan B, je m’engage dans une minuscule rue qui finit par un cul de sac, je vais bien finir par trouver. Je ralentis, il me semble qu’il ya une place un peu plus loin.
Brusquement je me sens projeté en avant, la ceinture de sécurité me bloque et je ressens une violente douleur sur le thorax, je crie et tout s’arrête. Je mets quelques secondes à réaliser que tout est à nouveau calme. Je me tourne vers Emily qui semble tout autant surprise que moi. On a l’air d’être intactes.
Une voiture vient de nous percuter violement à l’arrière. Je sors tant bien que mal de la voiture encore toute étourdie, mes jambes tremblent comme des feuilles. J’essaie de tenir debout, mon cou me fait souffrir. Le conducteur sort aussi de sa voiture. Un homme d’une trentaine d’année se dirige vers moi tout affolé et me demande si je vais bien. Je le regarde surprise et marmonne un oui oui peu convaincant. Sa voiture est très belle, un break 307 gris métal avec des vitres fumées, tous ces détails insignifiant me traversent l’esprit. Je me sens faible et je vacille, le chauffeur me retient d’un bras puis me force à m’asseoir sur le trottoir, Emily nous rejoint, elle a l’air d’aller très bien. La portière arrière de la voiture s’ouvre alors et à travers mes yeux vitreux, je vois un homme s’approchant de moi et me parler doucement, je baisse les yeux, je crois que je commence à délirer, je relève les yeux, me concentre sur cette personne qui me parle d’une voix étrange et oui .. Je ne rêve pas, Raphael se trouve en face de moi et d’une pression de la main me force à lui répondre. La tête me tourne, je sens que l’on me force à m’allonger sur le trottoir, un pull sous la tête. Ma tête me fait mal, mes idées ont du mal à être cohérentes, je délire même puisque je crois avoir vu Raphael. J’ouvre mes yeux, rongée par la curiosité, Raphael est toujours là à me regarder fixement.
- Tout va bien ?
Je ne réponds pas j’en suis incapable.
Je l’entends se tourner vers Emily et insister pour que l’on me conduise à l’hôpital. Alors d’un coup je réalise que non je ne rêve pas ! Je fais un effort qui me parait surhumain pour me relever le mot « hôpital » a fait son effet. Raphael m’aide à me redresser, ses yeux bleus inquiets posés sur moi me font sourire. Je regarde Emily qui m’adresse un clin d’œil complice.
Donc pas de rêve mais la réalité, la voiture de Raphael m’est rentrée dedans, belle rencontre n’est-ce pas ? Je trouve aussi…
Il continue à me poser doucement des questions, est-ce que je me sens mieux ? Ai-je mal quelque part ? Je le rassure de mon mieux. Je vois Emily et le chauffeur regarder les dégâts causés par l’accident. Raphael reste près de moi me tiens la main et se rassure seulement lorsque je réponds à ses questions. Effort surhumain que je fournis, comment rester plausible et sensée devant la personne, l’artiste qu’on admire et dont on écoute inlassablement les chansons en boucles. J’y parviens et j’arrive même à le faire sourire.
Ma voiture est bien abîmée, l’autre déjà moins. Je m’en fiche, on verra ça plus tard. Raphael se tourne vers son chauffeur et lui déclare que le moment est mal choisi pour parler de tout ça. Il se tourne vers moi :
- Tu veux que l’on t’emmène quelque part, chez toi peut être ? Tu habites par ici ?
- Non… en fait c’est drôle mais je venais à ton concert.
- Je m’en doutais vu ton T-shirt.
Et voilà ma pâleur fait place à un rouge aux joues que je ne contrôle absolument pas. Il s’en rend compte et m’adresse un merveilleux sourire.
- Ca m’embête de te laisser partir comme ça et malheureusement je suis super pressé. Laisse mon chauffeur s’occuper de ta voiture.
- Non non ça va aller je me sens déjà mieux.
- Et pour le constat ?
- Je n’en sais rien.
- Ecoute on va garer ta voiture un peu plus loin et je t’emmène avec moi. Pas question de te laisser comme ça.
- …
J’en ai le souffle coupé, son ton ferme ne me laisse pas le temps de protester même pour la forme.
- Je suis avec ma copine
- Je vous embarque toutes les deux.
Je le vois se diriger vers son chauffeur, lui glisser 2 mots. Il revient vers moi me prends par la main pour m’aider à me relever et doucement me dirige vers sa voiture. Emily monte devant alors que Raphael et moi nous installons à l’arrière. De loin je vois le chauffeur garer ma voiture toute blessée.
La voiture se dirige hors du centre ville, devant Emily et le chauffeur discutent à bâtons rompus. Raphael me tiens toujours la main.
- Sincèrement je pense que je suis en état de poursuivre mon programme, j’étais censé me garer puis manger, puis aller attendre l’ouverture de l’arène pour te voir.
- Oui « amusé » et bien là tu seras en première loge, et pour manger ne t’inquiète pas je ne vais pas te laisser mourir de faim.
- Je m’incline, j’ai l’impression que rien ne te fera changer d’avis.
- Non rien, je te garde avec moi.
Je regarde par la fenêtre, toute intimidée à présent d’être suffisamment lucide pour me rendre pleinement compte de la situation. La voiture entre dans une allée et se gare sur un parking privatif. Raphael sort de la voiture et d’un sourire me rassure. Des personnes nous y attendent, enfin Raphael surtout. Nous nous dirigeons tous ensemble vers un restaurant fermé mais qui s’ouvre comme par magie devant le petit groupe que nous formons. Emily semble m’avoir totalement oublié, c’est à peine si elle me regarde, je la sens dans son élément là toute entourée d’hommes. Je reconnais les musiciens de Raphael et j’entends le chauffeur conter notre petite mésaventure. Raphael est toujours près de moi, il ne me lâche pas d’une semelle, il doit craindre un malaise. Le restaurant est effectivement fermé au public mais réservé pour l’occasion pour Raphael et sa troupe. Je m’installe entre Raphael et le fameux Oli (je me lâche là !). Oli nous fait bien rire et se moque gentiment du chauffeur qui, je l’apprends à peine, se prénomme Franck. Il me demande si je me sens bien et félicite Raphael de m’avoir emmené avec lui. Tout va bien pour moi je flotte sur un doux nuage. Raphael est aux petits soins et on discute ensemble comme si on se connaissait depuis toujours. Le repas fut extra, on a ri sans arrêt et tout ce petit monde me parut formidable. Raphael ne fut rassuré seulement après m’avoir forcé à avaler ma viande.
L’heure passa à une allure folle et Oli m’explique que maintenant ils doivent aller faire leur balances je regarde l’heure : 20h. Ben di donc ils sont un peu à la bourre non ?
Je sens que le rêve va se terminer et que je vais devoir dire au revoir à tout lemonde mais à peine me suis-je penchée vers cette idée que Raphael me dit :
- Tu nous accompagnes ?, tu auras au moins la meilleure place dans l’arène du coup.
- Avec plaisir, merci beaucoup.
- Allons-y.
Raphael rassemble tout son petit monde. Emily et moi devons aller avec Béa, une assistante qui nous fera patienter jusqu’au début du concert et ensuite toujours selon les ordres de Raph, on se rejoindra après le concert à l’entrée des loges où l’on pourra passer sans soucis nous affirme-t-il. Raphael me fait un bisou sur la joue et me glisse un « à tout de suite » avec un clin d’œil, je manque m’évanouir.
Quelle chance ! Nous sommes déjà dans la fosse et au loin on entend gronder la foule qui patiente devant l’entrée. Je regarde Emily et lui dit :
- Je rêve
- C’est merveilleux ce qui t’arrives, euhh ce qui nous arrive
- Je ne te le fais pas dire
Ca y est l’ouverture des portes est annoncée. Une foule envahit peu à peu la fosse puis les gradins, nous sommes bousculées par une horde de jeunes filles prêtes à tout pour avoir la meilleure place. Le concert débute à l’heure, Raphael est splendide, plus je le regarde et plus j’ai la nette impression d’avoir imaginé tout ce qui vient de se passer. Nous sommes face à lui, nos regards se croisent souvent et nous voilà bien complices. « Des mots « arrive, je le regarde et l’émotion me traverse, des larmes coulent sur mes joues sans que je m’en rende compte, Raphael a les yeux rivés sur moi. Je me sens très chanceuse et profite de chaque minute de ce concert fabuleux .Raphael très en forme nous offre un spectacle merveilleux, enfin arrive la dernière chanson après 2 rappels bruyants.
L’arène se vide rapidement. Emily et moi nous nous dirigeons vers l’entrée des loges où deux vigiles nous laissent entrer sans difficultés, des filles elles bloquées, râlent bruyamment.
Béa est là, elle nous emmène vers les loges, Emily n’entre pas elle vient de croiser Mathieu et reste discuter avec lui. J’entre doucement dans la loge, Raphael est seul, il s’éponge le visage avec une serviette de toilette, il semble épuisé mais son visage rayonne. Son premier mot est de me demander comment je vais. Je réponds par un sourire, je m’approche de lui et instinctivement je me jette dans ses bras. Des larmes coulent encore, une vraie fillette, on reste un moment ainsi enlacés, il me pousse légèrement pour me regarder, son visage est tout près, ses yeux me transpercent, je le remercie pour ce qu’il vient de nous offrir. Il me répond par un doux bisou sur le front. Je me dégage intimidé par le silence. La porte s’ouvre avec fracas, Oli et la bande nous entraine…
Nous nous retrouvons tous ensemble dans une grande salle qui sert probablement de cantine. Un buffet gigantesque est servi sur de grandes tables. Pas faim, Raphael non plus. Le chauffeur s’approche de moi timidement et me tend un constat, je regarde Raphael et on éclate de rire.
Une heure passe et c’est le bonheur, tout ce petit monde est extrêmement chaleureux, notre petite mésaventure amuse tout le monde. Mais tout à une fin et Raphael m’annonce que dans moins d’une heure ils doivent tous repartir direction Six-Fours ou un autre concert l’attend le lendemain.
Je ravale ma déception, Raphael me tend un papier, je l’ouvre discrètement, c’est son numéro de téléphone. Voilà que le rêve reprend.
- Envoie-moi un texto s’il te plait pour me dire si tout va toujours bien et…pour me faire un petit coucou aussi.
Mais ce n’est pas vrai, voilà Raphael tout rouge, tout intimidé devant moi ! Je n’y crois pas. Je lui promets tout ce qu’il veut et c’est la fin.
On se dit au revoir, la main de Raphael sur ma taille me fait frémir. Il me glisse un « je compte sur toi » et s’en va.
Je retrouve Emily et ensemble nous sortons.
L’air est doux, trop doux, c’est insupportable, on se dirige vers la voiture qui finalement est tout près. Je m’affale sur mon siège en oubliant totalement de jeter un œil sur l’arrière accidenté de ma voiture. Je regarde Emily qui me sourit.
-Belle soirée n’est-ce pas ?
Le petit papier au creux de ma main me ramène à la réalité. Je prends mon portable dans mon sac, enregistre le numéro si précieux de Raphael. Puis commence à écrire un sms :
« Magnifique rencontre, merci ».
Je me sens très calme, sereine, la vie me parait belle, sans nuages. Un petit air de tam-tam me fait sursauter, je viens de recevoir un message :
« Inoubliable soirée… »