Le buffet n’était pas si désert, c’était assez naïf de ma part d’imaginer qu’un tel étalage de nourriture pouvait être épargné par des mains rapaces.
Je saluai quelques personnes, et après quelques mots de politesses, et de remerciement, je pris un plateau en plastique sur le coté et tenta de me frayer un passage vers toutes ces bonnes choses.
Je trouvais la feinte. Sur le coté personne ne s’était agglutiné. Je commençais mon ravitaillement. Je choisis des chips, des olives, des toasts au saumon et au fois gras. Plus loin je pris des petits feuilletés appétissants ignorant totalement à quoi ils étaient. Puis je trouvais mon point faible, au fond de la grande table j’aperçus des minis pizzas. Le plateau était loin et je contournai un peu l’étalage. Me penchant dangereusement en avant je parvins à attraper quelques pizzas.
Qui tombèrent en plein milieu avant leur arrivée dans mon propre plateau.
5 ou 6 pizzas écrasées sur les toasts de saumon, c’était pas vraiment discret.
Murmurant un merde, je levais ma tête discrètement et aperçus en face de moi, 2 yeux rieurs planqués sous un large bandeau noir, lui-même planqué sous une casquette noire.
Un regard amusé, un sourire compréhensif et attendris, des dreads ramenées en queue de cheval, un large t-shirt, un jean où on pouvait renter à 4. Une lèvre boudeuse avec un piercing brillant, un petit nez parfait, des dents très blanches.
Je reconnus Tom.
Me sentant rougir, et ne sachant quoi faire de mes pizzas échouées, je le regardais d’un air navré en haussant mes sourcils l’air de dire « j’ai pas fait exprès ». Ca le fit rire.
En 2 secondes il était près de moi et tenta de balbutier quelques mots en français.
- Pas grrrrraf, ça arrrrive.
- Je ne suis pas vraiment douée, j’espère que tu es le seul à avoir vu de quoi j’étais capable.
Lui répondant dans un allemand parfait, je vis ses sourcils épais se soulever et un sourire encore plus large illuminer son visage.
- Mais tu parles parfaitement l’allemand !
- Je suis d’origine allemande. Bonsoir Tom.
Je lui tendis ma main, miraculeusement intacte et propre.
- Je m’appelle Sabrina.
Tom me serra doucement la main en s’y attardant quelques millièmes de secondes. Il continuait à me fixer. Puis il se retourna fis le tour de la table et me ramena une dizaine de mini pizzas.
- Tiens, je pense que ça ira pour toi et tes amis.
- Merci.
Incapable de dire autre chose, je lui lançais un sourire et un « à plus tard » qu’il ne comprit pas forcément sur le moment.
A peine éloignée de quelques centimètres, il fut rejoint par tout un tas de jeunes gamines en chaleur.
Un peu choquée et tremblante je déposais mon plateau sur la petite table et tenta de reprendre le cours de la conversation de mes amis.
Mais l’esprit ailleurs.
Je n’eus guère le temps de manger quoi que ce soit.
Michel me trouva, m’entraina par le bras.
- Allez vient il est temps de te présenter, Davis nous attends.
David fut le premier que je vis. Il m’embrassa sur les joues, en me rappelant combien il était content de me revoir. Les autres personnes ne parlant pas un seule mot d’allemand nous écoutaient religieusement.
- Viens Sabrina, je vais te présenter au groupe.
Le groupe était là. Devant moi. Mais de dos.
- Hep les garçons, venez une seconde.
4 visages se retournèrent et me firent face. 4 Visages d’anges, tous biens différents, même les jumeaux ne se ressemblaient pas.
Mon premier sourire fut pour Tom qui me répondit par un regard étonné.
David poursuivit.
- Voilà les garçons, je vous présente Sabrina, notre assistante pour le french-tour !
- Bonsoir.
D’un air qui se voulait enjoué et naturel je tendis ma main à chacun d’entre eux.
- Elle parle allemand.
Cette précision me semblait inutile étant donné que chacun de mes mots était dit en un allemand que je voulais parfait.
Je me permets de m’attarder sur cette première rencontre.
Je voudrais détailler l’effet que chacun d’entre eux me fit. Tous ces micros détails enregistrés en une fraction de seconde je me les rappelle encore. Incrustés au fond de moi, je pense que ce fut l’un des moments les plus importants de cette aventure.
Bien évidement Tom fut le premier vers lequel mes penses vont. Son étonnement, sa surprise de se retrouver face à la petite sotte incapable de se servir proprement me fait encore sourire aujourd’hui.
Tom, au regard si impressionnant, un regard charmeur, mais si enfantin.
Je ne savais pas encore à ce moment là qu’il deviendrait pour moi un vrai ami. Une complicité à toute épreuve, un confident, un copain de bêtises et de péripéties.
Tom.
Puis Georg. Georg et ses cheveux lissés. Son regard énigmatique, sa silhouette puissante, son accent trainant, ses sourires en coin. Ses grosses mains, sa facilité avec les filles, sa flemmardise. Georg allait devenir mon cauchemar, le tenir à l’heure allait m’en faire voir de toutes les couleurs. Ses retards étaient légendaires, et mes cheveux ont du blanchir par sa faute.
Gustav. Mon petit Gus, mon petit ange blond. La discrétion même, la timidité incarnée. Sa petite stature effacée qui se fondait dans la masse. Gus qui allait devenir mon chouchou, mon petit protégé et celui que je défendais bec et ongles contre les moqueries de ses acolytes. Gus toujours à l’heure, Gus isolé avant les concerts, Gus qui ne râlait jamais.
Volontairement j’ai gardais le meilleur pour la fin. Je l’attendais cette rencontre. Avec lui. Le voir en vrai. Lui parler en vrai.
Bill.
Bill en rock star, tout de noir vêtu, les cheveux défiant les lois de l’apesanteur, Bill aux yeux charbonneux qui ce soir là me sondaient avec insistance.
Bill si grand, si charismatique, si séduisant, si féminin. Ses mains gantées de cuir, ses ongles noirs. Je me demande encore si les autres se sont rendu compte de l’effet que produisit sur moi ce soir, ce leader allemand.
Si je savais ce soir là que Bill allait devenir si important pour moi, je crois que je me serais jetée dans la Seine tout habillée.
Revenons-en à la soirée. Souriant à m’en décrocher la mâchoire je répondis à toutes leurs marques de bienvenue. Entrainée dans un carré VIP, nous avons encore bu et encore ri. Tom d’office près de moi me fit beaucoup rire et ne pipa mot de ma mésaventure devant le buffet.
Je commençais à me sentir à l’aise, Georg parlait beaucoup, Bill aussi mais Bill très timide osait à peine me parler directement.
David faisait la conversation mais Tom l’interrompait tout le temps. Une bonne heure passa ainsi. Puis David entraina le groupe vers des photographes.
Un œil sur une horloge m’indiqua 00h35.
Je cherchais Gerta des yeux et m’éloignai des garçons sur un « à plus tard » qui fit sourire Tom.
Gerta restait introuvable et c’est sur la piste de danse que je la trouvai un bon quart d’heure plus tard.
Entrainé par un tourbillon nommé Jeff je me retrouvais à danser aussi. L’alcool, la tension de la soirée et des derniers jours me firent l’effet d’une gifle.
Rythmée par les musiques remuantes, je me mis à me trémousser comme les autres.
Combien de temps cela faisait-il que je dansais ?
Je ne savais plus, je ne comptais plus.
Des musiques plus douces, mais toujours aussi rythmées continuèrent.
Britney Spears se fit entendre sur son Slave. A fond dans mon trip je m’apercevais à peine de la main qui m’attira pour se rapprocher de moi. Je continuais à danser en pensant que Jeff ou Leo profitait de la situation.
Je relevais mes yeux tout en dansant doucement et ce fut les yeux de Tom que je retrouvais face à moi.
Surprise mais imbibée d’alcool je ne bougeai pas.
Sa main se posa sur ma taille et nous nous mirent à danser assez sensuellement.
En y pensant j’en ai encore les joues brulantes.
La foule autour de nous bizarrement nous isolés en plein cœur de la piste.
Une chanson beaucoup plus remuante nous sépara et avec regret nous nous écartâmes l’un de l’autre.
Je le perdis de vue. Et tant mieux, malgré mon alcoolisme nocturne, je savais que je n’aurais pas du danser comme ça.
Aujourd’hui je ne regrette rien, puisque Tom est devenu mon ami sincère et que rien de plus ne s’est passé entre nous.
Enfin presque.
Du reste de la soirée je ne revis plus les garçons. David vient me dire au revoir en m’embrassant sur la joue.
Mais pas les garçons. J’en fus secrètement déçue.
Je rentrais chez moi vers 4h du matin, Marielle et Fred affalés sur le canapé, des cadavres de bouteilles sur la petite table.
Vacillant légèrement me débarrassa de ma robe et m’endormis en 2 secondes.
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Sam 2 Juin - 21:47
