Le vin coule à flots par ici. Brian a rempli mon verre pour la seconde fois. Le ton est libertin, voilà ce que j’ai gagné à parler ainsi de Johnny. Il s’est allumé le Brian. Il me pose des questions indiscrètes auxquelles l’alcool me laisse répondre.
Brian a une descente exceptionnelle, et tout en fumant et en grignotant son poisson, il me taquine et quelque fois je perçois une pointe de jalousie.
Bien fait pour moi, je n’aurais pas du lui poser ces questions. Putin quand je pense que ce petit con l’a eu dans son lit. Ca me rend dingue. Tu m’étonnes qu’il en soit encore fou. Tenir dans ses bras cette créature doit rendre le dernier des impuissants, acteur de film porno. Quand elle te regarde dans les yeux tu as l’impression que quelqu’un te brule à l’intérieur. Elle rit tout le temps et ses regards sont fixes, sans gène, insistants et troublants. Quand elle s’est baissée pour ramasser sa serviette tomber par terre, j’ai regardé la naissance des ses seins et j’en ai la tête à l’envers. Elle n’a pas froid aux yeux et elle a su répondre à ma provocation avec Johnny. J’en ai été le premier surpris, elle a joué le jeu, j’ai perdu la manche.
- Tu l’aimais ?
- Pardon ?
Bien occupée à décortiquer mon poisson je ne me suis pas rendue compte qu’il m’observait.
- Tu étais amoureuse de lui ?
Il ne rit plus. Au contraire il est très sérieux et en recrachant sa fumée il me regarde avec insistance comme pour me sonder, pour pas que je mente.
- Tu es indiscret.
- Je sais. Répond moi.
- Non.
- Allez j’insiste.
Mon regard se fait sévère voire méchant.
- Ca ne te regarde pas.
Il sourit derrière son écran de fumée. Ca le rend terriblement sexy et je me sens troublée, j’ai très envie de me rapprocher de lui. Je ne fais pas un geste, bien entendu.
- Je t’ai mis en colère ?
- Non.
- Je vois bien que si.
- Non non.
- Je m’excuse.
En disant ces paroles, il prend ma main posée sur la table. Mes doigts tentant nerveusement de lisser un pli de la nappe.
Sa main est chaude et la mienne se perd dans la sienne. Il la maintient et me regarde dans les yeux.
- Excuse-moi d’aller si loin parfois.
- Aucun problème, je ne t’en veux pas du tout. D’ailleurs je vais te répondre.
Je récupère ma main car la lui laisser m’amenuise de mes capacités à être maitresse de moi même, de garder la tête froide, enfin tiède.
Ah le voilà bien surpris de ce revirement de situation. Sa main est restée abandonnée sur la table, l’autre qui écrasait une énième cigarette s’est immobilisée. Son regard surpris s’est figé sur moi et son sourire a disparu.
- Oui finalement je vais te répondre. Je ne tombe pas amoureuse en quelques jours Brian. Il me faut bien plus de temps que ça et encore si je tombe dans le piège un jour. Je suis bien blindée contre ça. Contre l’amour. Contre la souffrance qui va avec. Contre toutes les conneries que l’on peut faire lorsque l’on est raide dingue d’un mec. Mais j’ai de la tendresse pour Johnny, car il m’a apporté en quelques semaines, un ersatz de bonheur, de joie de vivre, de fougue et d’excitation. Je suis ravie quand je reçois ses fleurs, j’étais ravie quand il m’entourait de ses bras et qu’il marquait sa possession à chaque soirée où on allait. Je l’adore encore et il reste mon ami. J’ai passé de très bons moments avec lui, j’avais droit à ses câlins, à ses mots doux. Lui et moi savions tous les deux que c’était éphémère mais on a su profiter de chaque instant et aujourd’hui je n’ai aucun regret.
Mais non je n’étais pas amoureuse de lui. Je crois que je n’aurais jamais pu l’être. Ou alors avec beaucoup, beaucoup de patience. Enormément de patience. Ni lui ni moi n’avions ce temps.
Il m’a écouté sans broncher, attentif, les mains rejointes sous son menton, nos assiettes mises de coté.
Il allume une clope, les yeux mi-clos, un vague sourire.
Je vide mon verre d’un trait. Je brule, où se cachent ces flammes que je sens me lécher le dos ?
Silence. On s’observe. Silence pesant, palpable, évocateur, troublant, séduisant.
Je détourne mes yeux, gênée, intimidée par deux prunelles bleues qui me fixent. L’alcool explose ma tête et je ne sais plus où poser mon regard.
- Arrête de me regarder de cette façon.
- Pourquoi ?
- …
- Je te trouble ?
- N’importe qui pourrait me troubler avec l’alcool que j’ai ingurgité.
- Menteuse. Je te trouble.
- Prétentieux.
Il éclate de rire. Pas moi. Je n’aime pas être si prévisible.
- Ne boude pas. Je suis ravie de parvenir à troubler une jeune fille au cœur de pierre. Tu m’en vois ravi et flatté.
- Très prétentieux même.
Il m’adresse son plus beau sourire. Dites donc il en a un stock de jolis sourires, très différents il en sort un à a chaque seconde. Ce type est incroyable.
Jolie fille au cœur de pierre. Tu me plais chaque minute davantage. Tu me provoques sans même t’en rendre compte. Tes joues roses te donnent 20ans mais tes paroles et tes airs coquins te donne l’âge d’une femme sensuelle, séductrice et très attirante. Attirante, oh oui. Plus que prévu d’ailleurs, je me méfiais déjà de toi mais là tu m’as surpris. Tu m’as bien eu. Je me sens pris au piège, un délicieux piège. Je voudrais t’emmener loin d’ici, et te faire oublier touts les hommes qui ont croisé ton chemin. Figer ce charmant sourire sur tes lèvres et accrocher ton regard au mien. Tu ne baisse jamais les yeux, tu provoques, tu rebelles, tu combats, tu soutiens.
J’adore ça. J’adore cette fille. Je l’adore.
Pendant que Brian nous choisis un dessert, je regarde autour de moi. Nous sommes presque isolés, par de grandes plantes et des paravents discrets. Un autre couple est aussi discrètement attablé pas loin de nous. L’homme se lève et entraine sa compagne pour un slow. J’entendais à peine la musique jusque là mais c’est vrai qu’en se concentrant on l’entend. Douce, envoutante, entrainante. Le couple s’est enlacé et tourne doucement au rythme de la mélodie.
Je me lève, enlève la carte des desserts des mains de Brian et lui en prend une pour l’entrainer vers cet espace où un couple danse déjà.
Surpris et ne s’attendant pas à mon geste, il me suit et se laisse entrainer. J’enroule mes mains autour de sa nuque, presse mon corps contre lui et pose ma tête sur son épaule.
Je ferme les yeux et je sens avec délice ses bras se refermer sur ma taille.
Je sens son odeur, son parfum d’homme. Je lève mon visage vers lui et nos regards se croisent, je luis souris et repose ma tête.
La musique s’arrête et un air plus rythmé nous sépare. Je le lâche à contre cœur et me prenant par la main nous retournons à table.
Sorbet au citron vert d’Hispanie pour moi. Un Irish Coffee pour lui. Il a du fumer au moins un paquet entier de clopes depuis le début de la soirée. Il n’arrête pas une seconde.
La conversation a repris sur un ton plus léger. Brian a de l’humour, vraiment et son rire « canardesque » me fait encore plus rire.
Il est tard et le restaurant semble s’être vidé. Le couple est parti depuis un bon moment.
D’un signe de tête de Brian on se lève enfilons nos manteaux et sortons.
Gratuit le resto ? Non je pense que Brian a un compte. En tout cas je n’ai pas vu la lueur d’une carte bleue.
De toute façon je ne vois rien, je suis saoule et heureusement que Brian me supporte car je manque de tomber à chaque pas. Lui aussi est assez amoché, il a bu le double de moi. Ah on a l’air frais tous les deux se maintenant l’un sur l’autre pour ne pas tomber.
On s’engouffre dans la voiture toute chauffée qui nous attend.
- Mets nous de la musique Henry.
Comme de par hasard une chanson de Placebo, Running up that hill se fait entendre.
- Change Henry.
Henry s’exécute et la voix de Alanis Morrissette raisonne dans l’habitacle de la Mercedes.
La tête me tourne encore et j’ai peur de vomir mon repas sur les genoux de Brian. Toute imbibée d’alcool que je suis, rien ne m’effraie, oubliée la pudeur, je me colle contre Brian qui s’allume une clope. Tout en aspirant sur sa clope il dégage son bras pour m’entourer et me serre contre lui. Ainsi blottie contre son épaule la nausée s’envole.
Je m’endors presque, bercée par les caresses de Brian sur mes cheveux.
Tiens les Razorlight, America, passe à la radio. Provocation quand tu nous tiens. Je me redresse et regarde Brian qui me lance un regard noir.
- Tu n’aimes pas leur nouvelle chanson ?
- Nan.
- Je l’adore moi. Je la connaissais avant qu’elle sorte.
- Je m’en doute.
- Johnny me l’avais chanté un soir avec sa guitare.
- …
- Je me suis jetée dans ses bras à la fin, il avait les larmes aux yeux.
- …
- Et on a fait l’amour comme des fous après.
- You’re a bitch.
Sur ces derniers mots je l’ai regardé, j’apprécie quand ma provocation génère une réaction. Me voilà comblée.
Je ris à m’en décrocher la mâchoire.
Ah j’adore ça…
- Comment on dit en français, petite garce c’est ça ?
- Moi une garce ? Je ne pense pas.
Il m’oblige à relever la tête et à le regarder.
- Tu cherches à me provoquer n’est ce pas ?
- Peut être. J’ai réussi ?
- Oui.
- Alors tant mieux.
Il sent l’alcool, je dois être pas mal non plus de ce coté là.
Je replonge ma tête sur son torse.
- N’empêche c’était une merveilleuse soirée.
Là j’ai abusé je crois, il m’oblige à relever la tête sans douceur et en tenant entre ses mains un bon milliers de mes cheveux, il me dit « répète un peu pour voir »
Exécution « c’était une mer-vei-lleu-se soirée »
Consciemment ou pas, j’attendais, je cherchais ma punition. Elle fut savoureuse, violente mais exceptionnellement délicieuse.
Il écrasa ses lèvres sur les miennes et sa langue s’insinue dans ma bouche avec insistance. Sans tendresse. Sans douceur. Sans ménagement. La punition me plait, je provoquerais plus souvent.
Quand il me relâche il voit mon sourire flotter sur mes lèvres légèrement meurtries.
La voiture s’arrête, je suis arrivée.
- Bonsoir Brian. Merci pour cette très agréable soirée.
- Bonsoir Sabrina. A très bientôt.
Je claque la porte et sans me retourner je me refugie dans l’entrée de mon immeuble.
La lourde porte claque derrière moi. J’entends la voiture démarrer.
Elle est partie. Si vite. La garce elle m’a bien eue. Moi qui la croyais angélique, un démon oui. Une diablesse. Une magnifique diablesse. Un démon sensuel et habile. Me voilà sous le charme.
J’ai perdu toutes les manches ce soir, elle m’a surpris, provoqué, charmé, troublé.
Je gagnerais la prochaine. Je le jure, y aura une revanche.