Musique assourdissante, et paillettes à gogo. Tout le monde est déjà là, le groupe vedette au premier plan. On rejoint Katie qui exulte et joue les maitresses de cérémonie. Carré VIP pour nous ce soir. On se fond dans la masse et des collègues de bureau avec qui d’habitude je parle peu, se rapprochent et notre petit groupe bavarde gaiement. Nos tables sont situées dans le carré VIP mais sur le coté. Nous sommes quelques unes à rester debout, un verre à la main. Au centre du carré, le groupe vedette de la soirée, sont félicités à tour de bras par des dizaines de filles sortant tout droit d’un magazine de mode, ou de charme pour certaines.
- Bonsoir mademoiselle.
Ces paroles prononcées avec un fort accent anglais me fait tourner la tête. Johnny est devant moi, avec un grand sourire éclatant.
- Bonsoir Johnny. Félicitations pour l’or.
- Oh thanks. Tu viens boire un verre avec nous ?
- Euh… oui je te suis.
Je jette un regard désolé vers Charlène qui d’un sourire m’encourage et je suis Johnny qui me prenant la main m’attire vers sa table où son groupe est réuni. Katie est là aussi, et d’autres personnes inconnues pour ma part.
- Je te sers one coke ?
- Oui merci.
Il me tend un verre et rien qu'à l'odeur je sais que ce n'est pas du coca. Il se plie quasiment en deux pour s’asseoir sur le petit pouf face à moi. Ses grandes jambes prennent toute la place. 2 de ses amis se rapprochent. Johnny fait les présentations. Bonjour, bonjour, ils sont bizarres ces anglais. Johnny me fait la conversation et mon anglais les amuse beaucoup. Et quand je fais semblant d’en être vexé ils me rassurent en m’assurant qu’ils trouvent cet accent « so cute ».
Bon et bien puisque je suis « so cute »…
Johnny ne me lâche pas et avec ses amis nous formons un groupe assez joyeux et bavard, ces gars là veulent tout savoir de ma vie et j’ai un mal fou à les éloigner du sujet. En très peu de temps je dégote des places vip pour leur concert à l’Olympia du lendemain, des invitations à leur soirée de gala qui suit le concert et des dizaines d’autres trucs qui me font tourner la tête.
Johnny se rapproche de moi « pour mieux listen to you » et l’alcool faisant son effet, je ris comme une bécasse toutes les 2 minutes. Katie me lance un clin d’œil. Charlène, abandonnée dans un coin, nous rejoins l’air de rien et s’acoquine avec le bassiste du groupe, un grand maigre, tout en jambes.
D’un coup le groupe se tait, et dans le même sens ils tournent leurs têtes. Trois hommes s’approchent de nous et dans un anglais parfait, leurs serrent la main et les félicitent en leur tapant sur les épaules. Autour de nous, beaucoup se sont tus et penchent leurs têtes dans notre direction. Quelques vannes sont échangées et des sourires nous sont adressés. Ils prennent là ou ils le peuvent, des poufs et des sièges et s’installent. L’un d’entre eux fait signe au serveur, qui se précipite vers nous avec bouteilles et glaçons. On se serre un peu et la place se fait pour les nouveaux arrivés. Je me retrouve entre Johnny et son guitariste. Un grand maigre s’assoit face à nous et entame une conversation avec Carl et Andy. Un autre aux cheveux longs se met un peu en retrait et je vois Charlène qui lui sourit timidement. Le dernier, un petit brun se mets près de Johnny, face à moi.
Le sang semble s’être vidé de mon corps. Je me sens bouillante. Non ce n’est pas l’alcool. La tête me tourne, plus rien ne semble bouger autour de moi, je me sens comme dans un rêve. Du coton, je suis dans du coton. De la brume, du brouillard, de la fumée. Je suis KO
Ces trois hommes qui félicitent nos joyeux compagnons anglais ne sont autres que les membres du groupe Placebo. Je les ai reconnus et je ne suis pas la seule. Charlène manque de s’étouffer en essayant de boire sa bière d’un air naturel. Je la vois esquisser des sourires effarés à Steve tentant une conversation avec le batteur de Placebo. On échange des regards choqués. Choqués mais ravis.
Stef discute en anglais avec Carl et Andy. Brian, le chanteur est avec nous.
Incapable pour moi d’articuler un seul mot quand Johnny me présente à Brian.
- She’s a french girl who works to Singers. She’s so pretty isnt’she ? She’s name Sabrina.
- Enchanté Sabrina.
- Bon.. bonsoir…..
- Oh that’s real Brian speaks a very good french honey. Surement mieux que moi I suppose.
Oh tu supposes très bien Johnny. Brian Molko parle super bien le français. La tête me tourne toujours et je simule tant bien que mal un sourire. Brian ne me quitte pas des yeux et je remercie les lumières tamisées qui masquent mes joues rougies.
Johnny se rapproche de moi comme pour montrer à Brian que je suis « chasse gardée ». Sa présence me rassure. Brian nous sourit et se sert une vodka pure.
Je me lève en balbutiant un « je reviens » et m’éloigne pour aller aux toilettes. Johnny me retient par la main et me force à m’abaisser, je me penche vers lui en pensant qu’il veut me dire un truc à l’oreille mais au lieu de ça c’est ma joue qu’il vise et m’embrasse la joue. Un œil sur Brian qui semble s’amuser de cette scène.
- Ben alors Sabrina, on fréquente du beau monde.
Katie morte de rire est à coté de moi et tente de faire quelque chose de raisonnable avec sa crinière devant le grand miroir des toilettes.
- Oh mon dieu Katie, je ne m’attendais pas du tout à eux.
- Ils n’étaient pas prévus et ne sont pas particulièrement amis des Razorlight mais ils sont en promo à Paris en ce moment et comme ils sont aussi chez Singers ils sont venus. Ils aiment bien le Queen.
- Ils sont déjà venus chez Singers ?
- Ils viennent rarement mais ils viennent. Apprends à les connaître ils te plairont.
- Je crois rêver.
- Rêve ma fille, tu as déjà des étoiles pleins les yeux.
- Tu parles c’est l’alcool ça…
- Brian est chou n’est-ce pas ?
- …
- Ce type dégage une aura sexuelle. Un regard sur toi et tu te sens violée. MMhh quelle chance tu as.
- …
- Allez jeune fille éclate toi ! Et je ne doute pas un seul instant qu’il t’a remarqué.
- Rien que ça.
- Oui mais fait gaffe Johnny veille.
- Arrête de te moquer de moi.
De retour à la table en essayant de ne pas trébucher et de me faire la plus discrète possible, Johnny me tend un verre. Je bois presque d’un coup et le liquide me brule la gorge. Mais du coup je me sens mieux.
- Tu travailles avec Katie ?
Brian me parle !!! Mon cœur bat la chamade.
- Oui je m’occupe du national.
- On vient rarement, mais je dois venir cette semaine.
- Pour voir Katie ?
Non pour te voir toi espèce de cruche. Bien sur pour voir Katie !
- Oui je viens voir Katie, on doit renouveler le contrat sur les ventes du best of de 2004.
- Ok, on se verra alors, je suis dans le même bureau qu’elle.
Brian me sourit.
- Avec plaisir Sabrina.
Je lui rends son sourire.
Johnny se rappelle à notre bon souvenir et nous raconte le concert de la veille où des dizaines de fans déjantées ont essayées de le rejoindre dans sa loge. Il monopolise la conversation mais leur anglais devient si soutenu que je perds le fil.
Mes yeux cherchent Brian. Je l’observe à son insu. Ses petites dents blanches se découvrent à chacun de ses sourires. Ses cheveux sont trempés de sueur et quelques mèches sont collées sur son front. Son maquillage autour de ses yeux lui fait un regard assez glamour qui me donne des frissons. Il porte un jean troué aux genoux, et une chemise noire avec les manches retroussées. Un petit bracelet en or orne son poignet. Ses lèvres brillent et j’imagine que son rouge à lèvre a laissé ses traces. Ses mains toujours en mouvement allument pour la 10e fois, une cigarette qu’il fume en très peu de temps. Katie a raison, même si je n’en doutais pas un seul instant, Brian dégage une sensualité palpable. Ses mouvements, sa façon de parler, de hocher la tête, de cligner des yeux. Sa façon de tenir sa cigarette, et de porter son verre à ses lèvres. Rien chez lui ne semble commun, tout est surprenant. Je suis fascinée.
Johnny a passé un bras autour de mes épaules et je n’ose pas le lui enlever. En même temps ça me rassure. Je me sens protégée de ce rapace de Brian qui me dévisage en pensant que je ne le vois pas. Ses yeux bleus me transpercent et c’est avec difficulté que je participe à la conversation. Je me demande ce que révèlent ses regards. Peut être se demande-t-il ce que je fous là ?
Stef s’est rapproché de nous et a pris place à coté de moi. Il parle un peu français avec un accent craquant et me sort toutes les blagues de son répertoire français, ce qui m’amuse beaucoup. Je me détends, me dégage sans l’air de rien de l’étreinte de Johnny et enfin je prends plaisir. Avec Stef, on rigole comme deux gamins et j’oublie qui il est. Là il est juste un mec qui me fait rire et avec qui je m’entends bien.
Stef est super drôle et ses mots français souffreteux me font mourir de rire. Son grand corps qui se tord dans tous les sens pour me mimer des mots qu’il a du mal à retrouver en français.
Petits coups d’œil vers Brian qui du coin de l’œil nous observe.
« Cette fille est étrange. Son sourire est agréable et ses éclats de rire me surprennent. Son regard cache des milliards de choses, et j’ai du mal à la cerner. Cette française a beaucoup de charme et pourtant elle est loin d’être un top model. Même Stef, homo confirmé semble être sous son charme. Il s'éclate avec elle depuis deux heures! Il m'agace même, je voudrais être à sa place et provoquer moi même ses sourires. Et dire que ce petit con de Johnny ne la lâche pas. Elle a un petit grain de beauté au coin de son œil droit, ses jolie mains avec des ongles parfaits, sa petite chaine autour du cou avec son prénom, ses yeux maquillés de noir comme les miens, ses lèvres brillantes et ses cheveux tirés en arrière qui découvre un cou, où je me suis imaginé poser les lèvres. Son parfum sensuel quand elle s’est penché vers Johnny, ses petites dents blanches et son accent français quand elle nous parle en anglais. Je me méfie d’elle, car elle m’hypnotise et semble se rendre compte de tous mes regard à la dérobée. J’ai remarqué sa taille fine mais ses jolies rondeurs, sa façon de boire en faisant la grimace, son geste discret quand elle reçoit la fumée sur son visage, ses tentatives de retrait quand Johnny l’attire vers lui. Putain cette fille pique ma curiosité !! Et dire qu’elle bosse avec cette conne de Katie !! Faut que je passe à son bureau, que je la revois pour m’ôter toutes ces conneries de la tête, qu’elle redevienne à mes yeux comme toutes les autres depuis Helena, insignifiantes. Helena. Cette conne.
Et oui elle me scrute la petite, elle m’observe, me sonde, me détaille. J’aime ça. Ses yeux mêmes discrets, me font frissonner. Je la vois regarder mon visage, mes bras, mes mains. Je la vois s’étonner du nombre de cigarettes que je fume, avec ses légers haussements de sourcils. Je la vois aussi sourire à Stef, à rigoler de ses conneries, de se rejeter en arrière pour reprendre son souffle. Je vois aussi ce con de Johnny la bouffer des yeux et se l’imaginer dans son lit. Je le vois bien ses yeux à ce con sur ses seins, à la mater quand elle se penche pour prendre son verre, il le voit bien aussi que je la mate et en profite ce connard pour la prendre par le cou. Il voit bien que ça me fait chier. Il me connaît Johnny, on a fait des tas de festivals ensemble et il sait très bien que je ne prête pas autant d’attention aux filles en temps normal. Il sait très bien tout ça ce petit con. Il faut que je la revoie. Il le faut. »
La nuit défile sans que je m’en rende compte, entre les verres de vodka, les éclats de rires de Stef, les étreintes de Johnny et les regards énigmatiques de Brian.
Je cherche des yeux Chralène.
Elle capte mon regard. J’articule pour qu’elle puisse lire sur mes lèvres, le bruit étant trop fort.
- On y va ?
- Ok.
Je me penche vers Johnny pour lui dire que je m’en vais.
- Oh really ?
- Oui really. Il est 5h30 du matin.
- Oh ok girl. Give me your number phone please. Je t’appelle pour le concert de demain.
Je griffonne sur un flyer trouvé sur la table, mon numéro de portable. Donner mon numéro à un Razorlight, pas mal non ?
Un bisou sur la joue d’un Johnny défoncé, un autre sur les joues d’un Brian noyé dans un nuage de fumée, deux gros bisous sur les joues de Stef qui fait mine de bouder mon départ et Charlène sous le bras on sort du Queen.
- Tu te rends compte qu’on a passé la soirée avec les Razorlight et les Placebo.
- Non bien sur que non je ne réalise pas. C’est incroyable. Brian Molko !! Tu te rends compte, ce type je le vénère et voilà que je passe la soirée entière à sa table et à lui envoyer des regards en coin.
- Johnny est dingue de toi en tout cas.
- Johnny doit se rendre dingue de beaucoup de filles tu sais.
- Arrête il te couvait des yeux toute la soirée.
- Et tu crois que je dois être la première à qui il fait le coup ? Allez vient ma Charlène, on se gèle.
En boitant un peu on se dirige vers la première station de taxis venue. Et avec soulagement on s’engouffre dans une Mercedes noire, chauffée.
Accueil 
Dim 24 Déc - 1:23
Toujours pas de suite 
ca me donne envie de 
