Un téléphone grimé de stickers roses sonne sur le bureau. Une jeune fille concentrée sur son écran d’ordinateur ne jette même pas un coup d’œil sur cet objet vibrant.
La sonnerie s’arrête.
De longs cheveux roux, bouclant dans son dos, Ludivine, 17 ans et demi reste figé, face à son écran. Seule sa main tripote nerveusement les clics de sa souris.
En la regardant de plus près, on voit ses yeux briller, et en extrapolant on pourrait même penser qu’elle pleure.
Elle lâche sa souris d’un air rageur. Ses lèvres tremblotent. Pas un mot, pas un son.
Elle se lève, et s’assoit sur son lit. Un lit dans une chambre de jeune fille. Un lit recouvert d’une couette rose fuchsia, des rideaux assortis, un bureau dans un coin, avec son joujou préféré, son ordinateur. Les murs laissent à peine apercevoir un passé tapissé. Aujourd’hui tout est couvert de posters. Mais à bien y regarder pas beaucoup de diversités dans les gouts de cette jeune fille. On a beau regarder sur chaque murs, chaque image glacée, on se rend vite compte que les personnages sont les mêmes. A des âges différents, des époques différentes.
Ludivine est fan de pop rock, enfin surtout de rock. Elle arbore un look limite gothique qui agace et effraie ses parents. Les yeux entourés de crayon noir épais, un teint travaillé au fond de teint blanc, les lèvres glossées et les ongles vernis de noir mais surtout une panoplie d’accessoires assez marqué.
Des mitaines rayées noires et blanches, des vêtements noirs, des jeans troués... Seul ses cheveux restent naturels, les parents refusant catégoriquement qu’elles les teignent en noir. Elle a beau revenir sur le sujet chaque matin au petit déj’, la réponse est toujours non.
Mais revenons aux murs de sa chambre. Pour un œil avertit, on reconnaît illico ce groupe qui ornent chaque recoin du mur. C’est le groupe Placebo. Sous toutes ces formes. Cheveux longs, cheveux rasés, robe et résille, jean ou pantalon de smoking, on y trouve tous les looks arborés depuis la création de ce groupe.
Sur une étagère, s’empilent les uns près des autres tous les CD et autre DVD achetés depuis la fan attitude commencée, voilà bien 2 ans.
Ludivine vénère ce groupe, et principalement son leader, le chanteur charismatique Brian Molko. Chaque jour elle écoute inlassablement ses « chéris ». Pas un jour ne passe sans que dans le salon, au rez de chaussée, ses parents disent « encore » d’un air résigné. Comme le dit son frère ainé, Ludivine vit, respire, mange et rêve Placebo. Rien d’autre ne semble compter dans sa vie que ces personnages là. Elle collectionne tout ce qui se rapporte à Placebo, est inscrite sur plusieurs forums les concernant. C’est un membre très actif et elle est capable de passer des heures à surfer sur tous les sites parlant un minimum du groupe.
Mais revenons à Ludivine. Toute habillée elle entre dans ses draps, se tourne face au mur, face à son poster de Brian Molko préféré. Et elle pleure. Son mascara coule en longues trainées sur son visage blanc. Elle pleure silencieusement.
Pour connaître la raison de ses larmes il suffit de remonter dans le temps. Pas très loin, seulement une heure.
Après les cours comme à son habitude Ludivine fonce directement dans sa chambre, allume l’ordi, met du Placebo et retourne sur ses sites favoris.
Mais aujourd’hui un nouveau sujet a retenu immédiatement son attention. Un nouveau sujet, ouvert par un habitué qu’elle connaît bien. Sous le pseudo « Placeboy ».
Le sujet la captive, son titre : Brian amoureux…
Ses yeux lui piquent de trop fixer l’écran, mais autoritairement et presque avec de l’appréhension elle clique sur le sujet qui s’ouvre.
Je vais vous faire un copié collé de ce que contient ce sujet. Peut être cela vous fera mieux comprendre la tristesse qui envahit cette jeune ado, en ce soir de mars.
« Brian amoureux….
Salut à tous amis forumers. On avait des doutes, on pensait, imaginait mais cette fois c’est certain notre Bwian est in love. Bien sûr vous allez croire que je raconte encore une de ces conneries dont je suis le créateur parfait. Sauf que ce soir je vous assure que je ne blague pas et je vais vous raconter ce que j’ai vu. Oui car j’ai vu. Par avance je voudrais consoler toutes les Molkettes qui en lisant ce topic risquent d’être mortellement déçues. Brian est heureux les filles c’est tout ce qui compte à nos yeux n’est-ce pas ?
Bon et bien je vais vous raconter ce que je sais.
Comme il était prévu depuis des semaines maintenant, je suis allé hier soir au concert Placebo à la Cigale à Paris. D’ailleurs je remercie toute la « team » vous êtes géniaux les gars !
Je ne suis arrivée que vers 18h (voir ma review dans la rubrique concernée), tout simplement car j’ai eu le privilège hier soir de rentrer dans la salle bien avant vous. Parce que ma sœur connaît bien le coordinateur du concert, tatatatata, enfin vous voyez le genre.
On a pu squatter la salle et comme le dit ma review, ce fut très agréable. Vers 18h30 on a commencé à prendre nos places au premier rang face au micro. D’autres visiblement ont aussi eu droit à des privilèges car avant l’ouverture au public, une bonne vingtaine de personnes étaient déjà présentes.
Les portes ont été ouvertes et un flot animé a envahit la salle de la Cigale, bien collés à nos barrière nous ne risquons rien. Vers 20h30, soir un quart d’heure avant le début du concert, 2 jeunes filles escortées d’un vigile, se sont placées juste à coté de nous aux barrières. Il a fallu en déplacer d’autres qui n’ont pas osé râler trop fort. Visiblement ces deux personnes connaissaient bien les vigiles et on avait rien le droit de dire. Je me suis retrouvé quasiment scotché à l’une d’entre elle. Une fille d’au moins 25ans, très jolie brune au visage souriant qui a tenu à s’excuser de son « incrustage ». Après l’avoir regardé de travers je lui ai souri, sa mine gênée m’a de suite fait oublier leur sans-gène. De la même taille que moi, brune aux cheveux longs, maquillage discret mais yeux noircis, elle était ravissante. Ca m’a calmé et je l’ai même défendu quand mon collègue m’a chuchoté une méchanceté sur son comportement. Vous me connaissais, je n‘ai pas ma langue dans ma poche alors je lui ai demandé pourquoi avait elle, le privilège du premier rang. Elle m’a répondu d’un air confus qu’elle connaissait bien le vigile. Qu’elle vouvoyait 2 minutes plus tôt. Je suis resté sceptique et comme elle se concentrait sur son portable qui vibrait, je l’ai laissé tranquille, non sans jeter des petits coups d’œil sur son décolleté ma foi très ravissant. Les lumières se sont éteintes, les cris ont commencés à retentir dans la salle, et je n’étais pas en reste, j’ai gueulais comme jamais. L’intro de Running up a commencé, nous étions tous en trans. Steve et Stef se sont éclairés sur la scène, la salle a éclaté, j’étais survolté. Mais ce n’était rien comparé à la foule en délire à l’entrée de Brian. Un Brian souriant, habillé d’un jean et d’un t-shirt noir (voir review). Après un « bonsoir comment ça va ? » il a pris son micro et a commencé à chanter. J’étais pile poil devant lui, je ne ratais rien, ni ses mouvements, ni les postillons sur le micro, ni son maquillage. Il me regardait. Oui bizarrement il me regardait. Moi petit gringalet d’1m72, 50kg tout mouillé, brun aux yeux noirs et avec des lunettes qui plus est, Brian Molko me regardait. Du moins dans ma direction. Car c’est justement en me questionnant sur sa façon de me fixer que j’ai compris. Brian ne me regardait pas moi, mais ELLE. Elle cette fille contre moi dont je sentais l’épaule chaude. Il la regardait elle et pas moi. Je l’ai regardé elle, et effectivement ces deux bougres se mangeaient des yeux. Ca a duré quelques secondes leur regard incendiaire mais moi j’ai tout vu. Vous allez me dire que Brian attiré par les jolies filles a l’habitude de scruter les filles du premier rang. Ok.
Le show a continué et c’était l’extase, il nous parlait, chose qui n’est guère plus dans ses habitudes. Il bougeait, riait, et avançait quelquefois très près de nous. En continuant de jeter de drôles de regards à ma voisine. Des filles derrière nous disaient en criant « han t’as vu comme il me regarde ». Les pauvres.
Les chansons ont défilés, je ne vais pas vous refaire la set-list. Vient Blind. Aux premières mesures ça a crié dans la salle, j’en devenais sourd. Brian a pris son ton le plus mélodieux et il s’est rapproché tout près de la scène. Il s’est assis sur le bord ce qui a eu pour but de rendre dingue les filles dans la fosse. Les vigiles se sont rapprochés prêts à un éventuel saut dans la foule. Pourtant la chanson plutôt calme ne s’y prêtait pas. Brian assis a égrené les premiers vers d’une voix fantastique, du vrai Brian Molko, du vrai Placebo. Là j’allais pouvoir vérifier et confirmer mes doutes, Brian face à moi, à quelques centimètres de moi et donc de ELLE, j’allais voir.
Il ne l’a pas regardé tout de suite mais moi oui. Elle s’est mise à sourire et quel sourie ! Quand leurs regards se sont croisés Brian a souri, sans arrêter de chanter le refrain « Don’t go and leave me, and please dont’drive me blind ». Vous connaissez tous et toutes la traduction de ce refrain et bien croyez moi en ayant assisté à la scène je peux vous dire que ce refrain était dédié à cette charmante personne collée à moi. Je suis un romantique je l’avoue, mais ces regards échangés ont surpris plusieurs personnes. Ah là oui, rien ne pouvait être inventé, les premiers rangs se sont rendu compte. On aurait cru que Brian était juste là pour chanter à cette fille. Cela a duré quoi ? On va dire quelques secondes, une minute tout au plus ? Mais assez pour troubler deux rangées de fans en délire. La chanson finie Brian s’est relevé et est reparti à droite et à gauche de la scène pour solliciter le public autre que les premiers rangs.
Je n’ai pas pu m’en empêché et en criant pour me faire entendre j’ai balancé à ma chanceuse voisine « Tu le connais ? », j’ai du répéter ma question plusieurs fois car elle faisait la sourde, dans une salle de concert bondée ça pouvait passer. En guise de réponse elle m’a fait un clin d’œil et s’est tournée vers sa copine. Ca m’a suffit. Les pauvres secondes de ma pauvre conversation avec cette fille ont éveillé la curiosité du chanteur. Je vous assure que oui. Quand je m’en suis rendu compte je me suis senti devenir rouge et brulant. C’était sur la chanson Infrared, quand dans le refrain il dit « Someone call the ambulance, there’s gonna be an accident ». Chantant ce refrain et me fixant de son regard azur ça fout la trouille. Cette fois pas de doute il me regardait bien moi. Encore une fois cela a duré une fraction de seconde mais je ne suis pas neuneu, Monsieur Brian Molko m’a fait une crise de jalousie. Les filles derrière moi m’ont tapé sur l’épaule, et distraitement je leur ai souris.
Je n’ai plus osé la regarder du tout. Des vigiles la surveillait du coin de l’œil et lui tendait de temps en temps une bouteille d’eau qu’elle refusait systématiquement d’un mouvement de ses mains.
Le concert a continué, c’était terrible. Brian a encore parlé avec nous en nous disant qu’il était ravi de se trouver dans ce sublime pays qu’est la France. Je veux bien le croire n’est-ce pas ?
La dernière chanson fut Space Monkey. Puis tout fut fini. Les lumières se sont rallumées et je me suis senti dans le vide, ma voisine avait disparu.
La salle s’est vidé rapidement et avec mon ami nous nous sommes dirigés vers les backstage. J’y ai retrouvé mon contact qui m’a dit que je pouvais seulement aller dans la salle « commune ». Déjà contents de ce privilège rare nous y sommes allés montrant fièrement nos badges aux vigiles méfiants.
Dans la salle, beaucoup de monde. Trop de monde. Si bien qu’il m’a fallu plusieurs minutes pour repérer le groupe. Pas question de s’en approcher, ils étaient trop bien entourés. Un verre à la main Brian plaisantait avec d’autres personnes. Je l’ai fixé, de loin. Il était ruisselant de sueur et Sharon lui a tendu une serviette. Puis d’un coup il s’est exclamé je ne sais quoi et a tendu un bras. Et voilà t-il pas que je vois ma voisine de concert avancer vers lui, un sourire aux lèvres. Les bras de Brian se sont refermés sur elle et là… je vous le jure…il l’a embrassé. Mais pas un bisou chaste sur une joue amicale, non non. Un vrai baiser, sur la bouche. Rapide ok, mais un vrai. Puis lançant un au revoir à la ronde, le groupe s’est éloigné en direction des loges.
Voilà les filles je suis désolé pour vous mais le cœur de Brian est à nouveau pris. Héléna c’était le passé, mais cette fille c’est désormais son présent. J’ai questionné le coordinateur ami de ma sœur nananana et il m’a confirmé que cette fille est arrivée avec Brian mais qu’elle a tenu à passer le concert dans la fosse sous l’inquiétude de Brian lui-même qui a insisté pour que des vigiles la surveillent.
Je demande aux autres membres de ce site qui était dans la fosse de confirmer qu’ils ont bien vu Brian s’intéresser à une personne au premier rang, et je suis sur et certain que vous vous souviendrez de ce moment même si vous n’avez pas pu voir de qui il s’agissait.
Cette fille est très belle et Brian n’a jamais été aussi en forme à son concert, il a été bavard, joyeux, drôle et heureux d’être là.
Allez soyons pas mauvais, souhaitons lui du bonheur ! »
Ludivine est ressortie de son lit. Poussée par la curiosité de lire les réponses au topic.
Elle voulait lire les commentaires des autres, trouver une personne qui nierait en bloc avoir assisté à ça.
Mais ce fut tout le contraire.
Le sujet parcouru par une foule de membres, ne contenait que des réponses confirmant l’événement.
Certains tout fiers d’avoir vu de leurs propres yeux les scènes, d’autres arrivant désormais à mettre des mots sur une scène aperçue de loin, d’autre tout heureux d’avoir aperçu la jeune fille en question etc. etc.….
Les larmes de Ludivine re coulèrent. Son Brian en aimait une autre. Quel outrage, quel toupet, quel culot, quelle horreur, quelle tristesse, quelle vie…
D’un doigt agacé, elle cliqua sur « Ecrire une réponse ». Tant bien que mal, aveuglée par ses larmes elle écrivit :
Plein de bonheur à Brian, il le mérite.