Assise dans le train, la tête appuyée contre la vitre, je réfléchis. Je réfléchis à ces dernières semaines qui m’ont conduite à faire ce voyage. Un Nice-Lille en plus de 5h. Quel est l’objet de ce voyage ? La réponse me fait sourire. Le paysage dehors est hivernal au possible, il semble y faire glacial, je referme les pans de mon gilet en laine.
Pour savoir ce que je fais là vers cette destination inattendue et bien il faut remonter dans le temps. Oh pas très loin, juste 11 semaines exactement.
Tout a commencé par une sorte de jeu avec une copine, Mélanie. Mélanie c’est cette demoiselle Lilloise que j’ai connu sur le site de fans de Raphael. Une rencontre assez hasardeuse sur un point de vue discordant concernant une chanson de Gainsbourg. Ca a collé rapidement entre elle et moi, et j’ai de suite aimé sa répartie subtile. On a échangé nos adresses msn et depuis on a discuté de longues heures. Connaissant mon gout pour le jeune chanteur Raphael, elle me parlait souvent de son prof de philo qui d’après elle lui ressemblait fortement. Elle me taquinait avec ça, à me dire que je craquerais pour lui, tellement il était mignon. C’était devenu une source d’amusement car elle était convaincue que je craquerais pour ce garçon. Et puis par esprit de provocation un jour je lui ai dit qu’il fallait que je rencontre cet homme. Elle a trouvé ça drôle et m’a lançait le défi de savoir comment j’y parviendrais. Un plan a très vite pris forme dans mon esprit et une lettre lui a été envoyée par moi-même. Sur cette lettre je prétextais chercher un ami d’enfance portant le même nom que lui. Je vous épargne les détails de ce courrier mais aussi surprenant que cela soit, il a répondu.
Bien entendu on espérait cette réponse, on l’attendait même. Mais elle est arrivée de façon inattendue par son contenu.
Je me rappelle encore combien j’étais fébrile, anxieuse à l’idée de découvrir la réponse. Peur qu’il est juste pensé à écrire vite fait sur un post-it « désolé mais tu t’es trompé », ou un truc dans le genre. Le genre de réponse que je redoutais.
Mais au lieu de cela ce fut une lettre de plusieurs lignes. Une lettre m’indiquant que je faisais erreur et qu’il n’était pas la personne que je recherchais. Il continuait par me souhaiter bonne chance dans mes recherches, et il m’encourageait à continuer. Son écriture me troubla, une écriture petite, lisible très masculine. Il s’en dégageait une grande intelligence, pas une faute et des phrases très bien tournées. J’y fus sensible.
Avec Mélanie il était prévu dès le début qu’à cette lettre je me devais de répondre, ce que je fis plutôt rapidement.
Rapidement mais en y réfléchissant tellement. Il n’était pas question de se planter, c’était en quelque sorte ma dernière chance. Fallait que je sois accrocheuse, intrigante mais tout en légèreté. Mélanie m’a aidé et la lettre fut postée.
En m’excusant tout d’abord puis en le remerciant de sa gentillesse par ses encouragements. J’ai fait en sorte de donner à cette lettre un ton d’humour et de sympathie qui j’espérais très fort, l’attirerait. J’ai même poussé le vice jusqu’à y noter mon adresse msn en prétextant que je serais ravie de discuter avec une personne aussi charmante. Et sur ce point là j’avoue que je restais très sceptique.
Il y avait très peu de chance pour qu’il poursuive dans mon sens et je le savais.
Sauf qu’il a accroché et m’a entré dans ses contacts.
Quelle stupeur quand j’ai vu le message msn s’inscrire sur mon écran, ce message qui nous demande gentiment si on accepte un nouveau venu. C’était quelques jours avant mon anniversaire, un soir de décembre. Bien sûr j’ai accepté de suite et par bonheur il était connecté. Nous avons fait connaissance comme cela. Par msn. Au début un peu intimidé. Puis je me suis lancé dans la camaraderie, après tout plusieurs milliers de kilomètres nous distançait, pas de quoi faire sa timide. Mon cœur, ma tête, mon corps tremblaient à chacune de ses réponses.
Les jours ont passé et une relation amicale s’est installée, on se parlait via msn quasiment tous les jours et notre heure de prédilection était aux environs de 22h et ça pouvait continuer jusque tard dans la nuit.
J’appris pleins de choses sur lui et entre autres qu’il était célibataire, n’ayant pas eu encore le bonheur de trouver chaussure à son pied. On s’est un peu raconté nos vies, nos déboires, nos bonheurs et le contact est devenu amical.
Et puis nous avons échangé nos photos. Moment crucial car j’allais enfin mettre un visage sur un nom dont j’avais si souvent entendu parler. Un visage qui devait soi-disant m’être familier vu la possible ressemblance avec Raphael.
Le choc ! Non seulement il lui ressemblait vraiment mais en plus son visage m’est entré dans la tète et n’en ai plus jamais ressorti. Il était très beau, une jolie bouche, un joli sourire, des yeux pétillants. Même si la photo était loin d’être nette, je devinais largement que ce garçon me plaisait réellement.
J’espérais secrètement que la mienne lui ferait le même effet. Je n'ai pas eu à attendre longtemps pour le savoir car il me le dit aussitôt. Il me trouvait très jolie et sa façon de me l’écrire me faisait penser à une certaine chanson.
Julien n’était pas le dragueur de base, super à l’aise avec les filles, et à l’affut du moindre rdv, surtout que la distance qui nous séparait devait lui ôter cette idée. Mais il était plutôt charmeur, plein d’humour, curieux, attentif et tellement gentil. Je commençais à l’apprécier de plus en plus.
Je me suis mise à penser à lui chaque jour et je regardais les heures passer en attendant celle de notre connexion. On ne ratait jamais un jour, sauf le week end où il arrivait que l’un ou l’autre n’était pas disponible.
Les semaines ont passées et notre relation internetienne s’est maintenue.
Puis nous avons franchi le cap de l’échange de numéros de téléphone. Il m’a appelé un soir, pour entendre ma voix me dit-il. Une conversation plutôt longue, une discussion naturelle comme si on se connaissait depuis toujours. Puis on s’est mis à s’écrire par textos, nous étions comme nous le disions si souvent, des amis virtuels. J’aimais sa voix si spéciale, ses rires tout doux et sa façon de parler si structurée qui me rappelait son statut de prof de philo. Mais rien d’intellectuel ou de pompeux chez lui, rien de barbant au contraire, toujours intéressée par ses petites histoires de classe qui me faisait tant rire. Il était très intéressant et l’écouter parler était un régal.
Et puis un jour je lui ai parlé de sa ville que je ne connaissais pas, je lui ai dit combien j’aimerais la visiter. M’écoutant tout d’abord, il me proposa de venir à Lille, j’avais un long week end de 3 jours devant moi et en lui parlant il insista pour que je vienne le voir.
J’acceptais rapidement et je pris mes billets de train. Je devais arriver le vendredi et repartir le dimanche. Il travaillait le samedi matin mais pour le reste tout correspondait.
Il m’avait bien sur rassurée sur le fait que son appartement était assez grand pour m’accueillir sans que je sois gênée par sa proximité. Aucun arrière pensée n’était envisageable.
Tout fut décidé et planifié très vite. Sans réfléchir.
Nous sommes ce vendredi et je suis dans ce train. Mes lèvres dessinent un sourire, le film futuriste de notre rencontre réelle à la gare passe et repasse dans ma tête.
Je regarde l’heure, bientôt arrivée. Je stresse. La vieille dame près de moi tente une conversation mais je coupe court, comment lui faire comprendre que je suis paniquée ?
Julien, finalement je le connais sans le connaître alors passer 3 jours chez lui, y a de quoi se poser des questions. Un film puis un autre, toutes les versions y sont possibles. Tout cela est finalement très excitant.
Arrivée imminente en gare de Lille. Le soleil est couché. Je prends mon manteau noir, le ferme, met mes gants, mon écharpe. Je récupère ma petite valise à roulette au dessus de moi et me dirige vers la sortie. Le train s’arrête. Mon cœur bat tellement vite que je me sens au bord de l’évanouissement.
Va-t-il me reconnaître ? Vais-je le reconnaître ? Oh toutes ces questions m’épuisent. Les portes s’ouvrent enfin.
Me voilà sur le quai. Peu de monde, je jette un regard circulaire autour de moi et je le vois.
Il est là à quelques pas de moi. Mon cerveau ne trouve rien d’autre à faire que d’enregistrer des milliers de détails. Sa veste de cuir marron, son jean délavé, ses Adidas noires, son écharpe grise autour du coup, son sourire…
Oh oui son sourire est le plus agréable. Je le trouve encore plus beau que sur la photo et c’est peu dire. Sa tignasse ébouriffée lui donne un air enfantin, sa bouche pulpeuse un air gourmand et ses mains un air viril.
J’avance vers lui tout en continuant à le fixer, sans pouvoir détacher mon regard. On se fait la bise.
Il me demande si j’ai fait un bon voyage, je lui réponds que oui mais que je suis ravie d’être arrivée son parfum m’envoute.
Il me prend d’emblée la valise et ensemble on sort de la gare.
Il parle beaucoup et je ne le remercierai jamais assez pour cela. Il m’explique que je suis arrivée trop tard pour voir le peu de soleil qui apparait de temps en temps sur Lille, m’explique aussi qu’il est ravi que je sois là et qu’il m’a préparé sa chambre. Il semble à l’aise et c’est communicatif. Il sourit tout le temps et j’adore ça, je suis sous le charme.
Sa voiture me surprend, une voiture d’un jaune doré. Il installe ma valise dans le coffre et on entre dans sa voiture. Ses mains se posent sur le volant et j’aperçois ses veines sur ses avants bras. Un frisson me parcoure. Tu as froid ? Et il allume de suite le chauffage.
J’adore cette saison, ce froid qui pique les yeux et rougit les joues. Me voilà dans une ville inconnue, avec un homme inconnu et je suis aux anges.
Une bonne demi heure de route est nécessaire pour arriver chez lui, les embouteillages étaient prévisibles.
Julien est à l’aise, moi aussi, on rit beaucoup, il a des anecdotes à me raconter sur chaque coin de rue.
Il se gare enfin devant un petit immeuble. Nous sommes arrivés.
Il sort et récupère ma valise dans son coffre. Je le suis, je commence à être intimidée.
Nous montons dans l’ascenseur et il appuie sur le 3e étage. Comment faire pour détacher mes yeux de ce si beau garçon ? Je n’y parviens pas, je n’essaie même pas.